Randonnée sur le sentier du littoral au Pays basque

« TALAIA » [tour de guet, en basque] On surveille ses arrières tout en ayant le regard tourné vers le lendemain.

Sur le sentier du littoral, les histoires entre terre et mer sont aussi fascinantes que ses panoramas. De Bidart à Saint Sébastien, on découvre un Pays basque façonné par les éléments et le temps.
Passé, futur, présent. Entre souvenirs ancrés dans la roche et bateaux qui refont surface, Talaia nous apprend à naviguer dans le temps sans jamais perdre le sens de la marche et l'importance de vivre l'instant.

Depuis les hauteurs de Bidart, le ciel se réveille en douceur à mon image et celle de mes pas. Peu à peu, toute la côte se révèle et le soleil perce timidement sur la Plage d’Uhabia. Au loin, les Trois Couronnes coiffent le paysage royalement.
Tout est en place, on peut désormais commencer ce voyage dans le temps.

De Bidart à St Jean, ce sont les exploits et légendes des hommes de la mer qui nous font traverser les siècles et les continents. Pêcheurs aguerris et corsaires redoutables, les Basques dominent la mer et imposent leur savoir-faire. Aujourd'hui frégates et baleiniers appartiennent aux musées mais cette connexion a traversé les années. Le corsaire basque est devenu pêcheur de vagues, la conquête de l'océan se fait désormais en surfant.

Sur cette portion, le bruit de l'océan est présent à chaque instant. Les vagues qui défilent, les galets qui roulent, le bruit du ressac quand l'eau monte ou descend. Cette répétition de sons apaise et rythme nos pas pendant que notre regard se perd à l'horizon.
Tout devient bleu, l'océan et le ciel hypnotisent nos pensées. Qu'il est bon de sentir son cerveau en pause alors que l'on continue de marcher !

Un pas après l'autre ou une rame après l'autre, les marcheurs se mélangent aux surfeurs et leurs spots préférés : Plage du centre, Cenitz, Mayarco, Lafitenia... Été comme hiver, les plages sauvages du Pays basque sont toujours animées. On y cherche le rouleau parfait, les beaux reflets ou simplement un moment de sérénité.

Apaisant et ensorcelant, ici le chant des vagues ne laisse personne indifférent.

Sur le sentier du littoral entre Saint-Jean-de-Luz et Hendaye, tout est question de roches et de pierres.

Façonnés par la nature et l'homme, le Fort de Socoa, la Corniche et Abbadia s'érigent face à la mer fiers et déterminés.
Protéger de l'ennemi, des vagues ou de l'environnement, chacun a sa vocation et doit composer avec les éléments.
La houle, les vagues, la pluie... le long de la corniche basque, la météo change vite au gré du vent et des marées. Le ciel bleu peut se faire mirage comme l'orage se fond dans les nuages. C'est une histoire de timing, et, si l'on est chanceux, un arc-en-ciel parvient parfois à se frayer un passage.

Dans des temps plus vieux, les mouvements de plaques ont fait naître les Pyrénées et émerger le flysch et ses couches empilées. Comme un bon bouquin, la corniche basque nous fait voyager sur plusieurs millions d’années.
Ouvert sur l’histoire du monde et de l’univers, la richesse géologique du Pays basque se lit entre les lignes de flysch.

Sculptées par les éléments et l'érosion, les falaises témoignent du temps qui passe. Entre les strates et les plis, crustacés et coquillages ont trouvé refuge où habiter. Preuve que la vie se raccroche toujours, peu importe les failles à combler.

Au loin terre, air et mer se rejoignent plus que jamais.

Nous entrons au cœur du Domaine Abbadia propriété du Conservatoire du Littoral où se dessinent prairies, vergers et forêts sur 65 hectares de landes sauvages. Dans les airs, goélands, cormorans ou tournepierres s'offrent la plus belle vue sur la mer…
Sur fond de réchauffement climatique, le domaine d'Abbadia et son rôle de préservation n'a jamais été autant d'actualité. Le secret pour protéger son écosystème et sa biodiversité ? Observer, encadrer mais surtout, vivre et laisser vivre.

Le château observatoire Abbadia est aussi hors normes que son créateur Antoine d'Abbadie. Homme de sciences et grand voyageur, il a créé un lieu à son image où la poésie joue avec la science et l'austère s'amuse des codes et des couleurs.
« Plus être que paraître » sa devise ne pouvait pas mieux être respectée !
Tout est si bien pensé qu'il est difficile d'en parler.

Construit entre 1864 et 1884, l'esprit et l'imaginaire d'Abbadie est partout, dans chaque détails : l’observatoire astronomique, les animaux fantastiques, les dictons et devises, les peintures exotiques...
Abbadia est une ode au voyage et au rêve.
Au cœur du château, le temps semble s'être arrêté jusqu'à lire cette citation latine sur la cheminée : « La vie passe comme la fumée »... il est temps de reprendre le sentier !

Accompagnée des lumières de fin de journée, je rejoins la Pointe Sainte-Anne et les Deux-Jumeaux hendayais. Fidèles au poste depuis des millions d'années, ces tours de calcaire rose révèlent leurs secrets au soleil couchant.

Il n'y a personne, pas un bruit, seules les paroles de l'eau et du vent pour me dire de profiter du moment présent.

Point de départ : Port de Saint-Jean-de-Luz
Dénivelé : 292 m
Balisage : jaune - suivre les bornes vitrées au sol
Durée : compter 3h

A ne pas manquer :

Asporotsttipi, Maison de la Corniche basque
Ouvert de mardi à samedi 10h-12h / 14h-18:30h
Expositions et animations - Entrée libre
Domaine interdit aux chiens
Plus d’infos sur leur site internet.

Château-Observatoire Abbadia
Ouvert tous les jours 10h-12h / 14h-18h (horaires d'avril à octobre)
Prix Adulte : 9.50 € / Enfant : 4.50 €
Plus d’infos sur leur site internet.

Depuis le Cap du Figuier en passant par le Jaizkibel jusqu'aux aplombs dominant Pasaia, notre regard est aux aguets. Talaia n'a jamais aussi bien porté son nom.
Ici le sentier du littoral est resté quasi intact, seuls les connaisseurs et les plus marcheurs se lancent sur cette portion basque espagnole. On y découvre un décor du passé, habité par pottoks, moutons et vaches qui modèlent et entretiennent le paysage. Quelques bateaux au loin sont de sortie et des pêcheurs à la ligne téméraires se déplacent de rochers en rochers.

En ce début de printemps, la nature reprend ses droits et les ajoncs fleurissent à chacun de nos pas. Peu à peu, je m'éloigne de l'océan et me retrouve sur de petits sentiers entourée de pinèdes. Mon point de repère ? Le Jaizkibel et ses tours de guet qui ont résistés au temps et aux attaques. Tout là-haut, je retrouve la côte mais aussi les montagnes et les Trois Couronnes jamais bien loin.
Passé le Jaizkibel, les jambes commencent à se faire lourdes alors je me concentre sur la brise qui souffle sur mon visage et la chaleur du soleil sur mes épaules. Avec ses gestes tendres, la nature se rappelle à moi, rassurante. Elle me serre dans ses bras pour me rappeler que je suis bien vivante, présente.

Les kilomètres s'enchaînent et, plus vite que je ne le crois, je surplombe déjà Pasaia. Encaissée entre deux falaises, l'entrée du port de Pasaia est assez unique en son genre. Autrefois plus grand port baleinier du monde, il n'a pas pris une ride, si ce n'est celle du vent sur l'eau et ses reflets turquoises.

La randonnée se conclut dans la Faktoria Albaola qui a fait renaître des profondeurs le baleinier San Juan. L'histoire est fascinante et le travail accompli monstrueux. Ici, on travaille le bois sans relâche et l'on redonne vie aux souvenirs du passé. On réapprend les techniques oubliées et la simplicité.
Au-delà du devoir de mémoire, l'objectif est surtout de faire vivre le savoir-faire des pêcheurs basques. Dans cette école-musée, on transmet aux visiteurs autant qu'aux futurs charpentiers.

De Pasaia à San Sebastian, les Kaixo (bonjour en basque) fusent aussi vite que les trailers qui en ont fait leur terrain de jeu !
Cette étape du sentier du littoral est courte mais riche en variété de paysages : falaises, apics rocheux, criques et balcons boisés au bord de l'océan...
Tout est prétexte à faire un arrêt. Profiter.

Sur la fin de l'étape, je bifurque légèrement du sentier pour rejoindre le plus beau des tableaux. Dans mon dos, la côte dentelée s'étire sur des kilomètres et forme la plus belle des robes. Une robe intemporelle évoluant au fil des saisons et des années.