« Les Basques ne sont pas un peuple, ils ne sont pas une nation, ils ne sont pas une race, les Basques sont un honneur. »

Une phrase qui pose les bases, une phrase qui en dit long sur ce que le Pays Basque a de meilleur et de moins bon. Cette phrase je l’ai trouvée cet été en faisant du tri dans les affaires de ma grand-mère (amatxi en basque). Elle était griffonnée sur un bout de papier, au milieu de grigris et de photos de famille. J’ai souri instinctivement. Je n’étais plus seule dans la maison, elle était là partout avec ses répliques cultes, ses jurons en basque et son rire chevrotant.
Je l’entendais encore me dire que j’avais le plus beau nom du Pays Basque. Le Pays Basque étant le plus beau coin du monde cela va de soi…

Amatxi Monique ne s’est jamais beaucoup éloignée de ses terres basques, enfin de son Saint-Jean-de-Luz natal. Elle se complaisait dans son triangle d’or entre sa maison, son magasin de chaussures et le marché. Elle connaissait tout le monde et tout le monde la connaissait.
Amatxi Monique ne savait pas faire les desserts mais elle faisait les meilleurs patates sautées du monde, un agneau de lait à se damner et un thon à la luzienne juste parfait. Sa vinaigrette aurait terminé d’achever n’importe quelle bestiole et son café te donnait tout sauf envie de te réveiller.
Amatxi Monique ne sortait jamais dans la rue sans rouge à lèvres et ne jurait que par la crème Nivea. Le gros pot bleu, pas les petites crèmes en tubes. Elle avait toujours une boîte de bonbons au citron dans le sac et n’a jamais porté de pantalon ni de vêtement de couleur bleu. Son truc c’était le kaki .

Amatxi Monique a peu voyagé mais ses étagères regorgeaient de livres sur le voyage et les animaux. Elle avait une passion pour les éléphants et je regrette de ne pas avoir eu assez de temps pour lui raconter mon voyage en Afrique du sud et mes rencontres en safari.
Les dernières années et sa retraite forcée ont fini par prendre sa joie puis sa tête mais ce n’était pas une femme triste, bien au contraire.
Amatxi Monique était fière et aussi dure qu’elle pouvait être généreuse. Elle montrait peu de signe d’affection, peu de signe de faiblesse aussi mais elle était attachante dans son genre. « Pleure, tu pisseras moins ». Oui, elle avait aussi le don pour sortir des punchlines magiques bien avant Tatie Danielle.

Lorsque j’ai eu terminé de regarder les photos j’ai continué à déambuler dans la maison vide. J’étais là pour faire du tri mais mon esprit était là pour emmagasiner les souvenirs. J’étais à la recherche de moments, d’habitudes et d’images. De moi enfant et puis d’elle surtout.
Dans la cuisine, le pot en fer pour les sablés. Au salon, les bouquins, magazines et photos qui s’entassent. Dans la salle de bain, le tablier à carreaux roses et blancs qui l’attend. Depuis la mezzanine, mon image en train de regarder la télé entre les barreaux pendant que ma grand-mère s’endort sur le canapé.
A travers les fenêtres du salon, le panorama sur le port, le phare, la Rhune et les Trois Couronnes qu’elle ne se sera jamais lassée de regarder matin, midi et soir. Et puis sur le toit, où je regrette de ne pas être allée plus souvent pour voir tout Saint-Jean-de-Luz s’endormir et se réveiller.

Comme elle l’aurait fait, j’ai regardé le soleil se coucher sur le port et les bateaux de pêche s’en aller. J’ai rangé les photos dans des enveloppes puis les enveloppes dans une boîte à chaussures. Il y avait encore un peu de place alors j’ai capturé les images que je ne voulais pas oublier. Amatxi et mes souvenirs du Pays Basque laissaient un goût acidulé en bouche.

A mon retour, j’ai cherché d’où provenait cette phrase griffonnée. Elle est tirée d’un livre de Ernst von Salomon, un écrivain allemand qui tomba doublement amoureux du Pays basque.
Ma grand-mère ayant connue l’occupation allemande et son mari le camp de travail se sera bien gardée de préciser les origines de son auteur mais aussi de conserver la vraie phrase qui se terminait par : « Il y a des Basques français, il y a des Basques espagnols, et vous, monsieur, vous êtes un Basque allemand! ».

J’ai souri de nouveau parce que j’aurais adoré lui rétorquer que cette phrase avait été écrite par un « Boche ».

souvenir du pays basque
Souvenirs du Pays Basque
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